« Un gros travail de culture reste à effectuer »
Yann Desombre, DG du showroom Terre Design à Paris, applique depuis 2009 sa vision d’un métier relevant de l’accompagnement de projet plus que de la vente, dans un marché souffrant de « concurrence déloyale et de contrefaçon ». Solution préconisée : « élever le débat ».
Culture Agencement : Combien de marques le showroom Terre Design, implanté dans le 14ème arrondissement de Paris, référence-t-il et sur quelle surface ? Quel univers de produits est le plus représenté ?
Yann Desombre : « Terre Design est partenaire de différentes usines qui sont les fleurons du mobilier design en Europe. Nous sommes diffuseurs-distributeurs d’une centaine de marques, parmi lesquelles Vitra, Cassina, Knoll, Flexform ou encore Alias. Le mobilier design est l’univers de produits qui prédomine dans notre show-room de 100 m2. Cet univers correspond à mon expertise ; c’est la réponse que j’apporte aux différents projets qui nous sont soumis. Je propose des sélections très fortes et je dessine tous les projets d’aménagement. En ce sens, je suis comme un peintre avec sa palette : j’ai le choix et, en fonction de l’analyse faite, j’apporte des réponses précises aussi fonctionnelles qu’esthétiques.
Culture Agencement : Quels services proposez-vous à vos clients et comment travaillez-vous avec les architectes d’intérieur ?
Yann Desombre : Notre travail consiste à mener des projets d’aménagement de mobilier. Nous aidons les architectes et architectes d’intérieur à aménager leurs bâtiments, qu’ils soient publics ou privés. Nous travaillons aussi bien sur des projets pour des entreprises que pour des particuliers. Avec les professionnels, nous travaillons sur du mobilier de bureau, donc la démarche est différente. Nous devons répondre à un réel besoin de fonctionnalité au travail et nous portons un regard sur l’aménagement intérieur au global. On peut travailler sur différents bureaux : certains sont des espaces ouverts, d’autres sont fermés. Il y a donc un besoin d’analyse fort qui doit s’adapter à la disparité de ce type de clients. Evidemment, ce n’est pas la même approche avec les particuliers. Ces derniers sont davantage orientés vers des achats réfléchis avec une volonté esthétique très forte. Nous travaillons donc avec eux sur l’harmonie des matières, sur le choix des couleurs, et ce, en intelligence avec les architectes et architectes d’intérieur. Sur ce point, j’aide personnellement puisque je dessine et je fais des plans ; je préconise les implantations de différents mobiliers. Dans tous les cas, nous prescrivons et ne subissons pas la vente. C’est un point essentiel. Nous agissons comme un médecin en quelque sorte, en posant un diagnostic qui permet ensuite d’apporter une réponse personnalisée. Il faut savoir comment les clients fonctionnent, quels sont leurs besoins au quotidien ou au travail. Il m’arrive parfois de poser des vetos sur des volontés du client qui ne correspondent pas au projet global. Bref, notre rôle est de conseiller et d’apporter des réponses techniques. La vente est simplement la finalisation d’un projet.
Culture Agencement : Au sein de votre offre, vous proposez également de la cuisine, alors que le marché des cuisinistes est déjà riche. Pourquoi ce choix ?
Yann Desombre : Proposer de la cuisine ne répond pas, au départ, à une volonté particulière, mais s’inscrit dans notre démarche globale d’accompagnement. Un client qui apprécie notre travail finit souvent par nous solliciter pour équiper son appartement d’une cuisine s’il en a besoin. Ce service lui évite donc de multiplier les prestataires. Notre positionnement haut de gamme fait que nous travaillons avec des clients exigeants et pressés. Ils nous font confiance pour tout gérer de A à Z et c’est ce qui fait notre force.
Culture Agencement : Quel regard portez-vous sur le marché actuel du mobilier et de la décoration haut de gamme ? Quelles évolutions avez-vous remarqué ces dernières années ?
Yann Desombre : Point positif, ce marché est plus en phase avec ses consommateurs qu’il y a 10 ou 15 ans. Il a évolué vers plus de modernité et justement, l’un des grands changements notables est qu’il y a une maturité plus grande de la part des clients qui partagent désormais cette vision. Notre cœur de cible, les CSP+, sont plus enclins qu’autrefois à acheter des meubles design. Aujourd’hui, presque plus personne n’achète de meubles anciens. Mais le marché est vaste, allant d’Ikea à des boutiques comme la nôtre… Mais surtout, le versant négatif est, qu’à cause d’Internet notamment, il y a beaucoup de consommateurs qui achètent du mobilier dit design mais de faible qualité. On trouve beaucoup de copies. Malheureusement, les consommateurs sont encore nombreux à acheter l’image d’un produit et ne regardent que le prix, attractif. Or, cela nourrit des filières peu scrupuleuses situées en Angleterre, en Chine, en Russie ou ailleurs. En Europe, les usines s’essoufflent car elles doivent, elles, répondre à des normes et à des obligations légales. C’est en partie ce qui tue les emplois en Europe ! Les copies sont, par contre, fabriquées en dehors des règles internationales et européennes de fabrication. C’est une concurrence déloyale à l’international. Mais socialement aussi, il faut savoir que derrière les copies se cachent du travail illégal, du travail d’enfants et de l’argent sale. Il faut que les gens qui achètent ces copies en prennent conscience. En cela, il reste un gros travail de culture à effectuer. Il faut renseigner les gens et même les éduquer dans un certain sens. Bref, il est urgent d’élever le débat et de parler de vrais sujets tel que l’origine des produits. »
Propos recueillis par Vanessa Barbier
Photos : ®JDavid
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