« La décoration écologique n'est pas un style »

« La décoration écologique n’est pas un style »

Ni un style, ni une mode : voilà en substance ce qu’explique Patricia François, spécialiste de la décoration d’intérieur écologique depuis 8 ans. Elle revendique une démarche « environnementale avec un grand E », loin des effets d’annonce « marketing » de certaines enseignes…

 

Culture Agencement : Comment et pourquoi vous êtes-vous orientée vers la décoration d'intérieur écologique ? En quoi une décoration d'intérieur écologique diffère-t-elle vraiment d'une décoration d’intérieur plus « traditionnelle » ?

Patricia François : « Ma seconde reconversion a débuté avec le home staging. Très vite, j’ai complété mon activité par du coaching déco.  Puis, comme une évidence, je me suis orientée vers la décoration d’intérieur écologique. Je ne me voyais pas créer une activité purement esthétique sans y donner un sens. Or, l’écologie faisait déjà partie de mon quotidien à titre personnel. Au fil des années, je me suis ainsi constitué un répertoire de produits, d’artisans et de fournisseurs. Comme mes confrères qui proposent une décoration d’intérieur plus « classique », j’ai une approche globale puisque je travaille à la fois sur le style, les couleurs, les matériaux, les textiles et les accessoires. En soi, la décoration écologique n’est pas un style. C’est pourquoi elle s’adapte très bien aux intérieurs actuels. Certains styles en vogue s’y prêtent même particulièrement bien comme la tendance bohème, scandinave ou industrielle. En revanche, je me contrains à proposer aux clients des matériaux sains qui préservent la qualité de l’air intérieur, notamment en ce qui concerne les revêtements de sols et de murs. Mais une décoration d’intérieur écologique ne s’arrête pas à cela : ma démarche est globale, c’est-à-dire environnementale avec un grand E. Elle est non seulement écologique, mais aussi éthique et équitable.

 

Culture Agencement : Pour vous, qu'est-ce qu'une décoration d'intérieur réussie ?

Patricia François : Il ne faut pas perdre de vue qu’une décoration d’intérieur est avant tout la création de quelque chose de concret relevant à la fois de l’esthétique, de l’émotionnel et du pratique. Dans mon cas, j’y ajoute une dimension écologique qui arrive dans un second temps. Il faut déjà savoir maîtriser l’occupation des espaces et l’harmonie des couleurs et des matériaux, sinon le projet ne pourra pas être réussi.  En tant que décoratrice spécialisée, je me contrains, comme je le disais précédemment, à choisir des matériaux sains donc sans impact sur la qualité de l’air intérieur ni sur la santé des usagers. Donc, une décoration d’intérieur écologique réussie doit réunir tous ces critères. En plus, je fais attention à respecter les critères environnementaux au sens large. Concrètement, cela signifie qu’une décoration écologique privilégie le travail artisanal, le « made in France », les bois éco-certifiés, de même que des produits en circuits courts ou derrière lesquels on retrouve une démarche équitable.

Culture Agencement : A quel type de projets répondez-vous pour les particuliers et pour les professionnels ?

Patricia François : Tous les clients ne font pas forcément appel à moi pour un projet de décoration écologique au départ. Mais, globalement ceux qui le font sont plutôt des particuliers vivant en maison ou en pavillon en banlieue parisienne et qui sont sensibles à cette démarche. Ma clientèle reste majoritairement parisienne donc je réalise surtout des projets de décoration d’appartements. Concernant les professionnels, je travaille pour le moment assez peu sur des projets en CHR. En revanche, je réalise des bureaux et des boutiques. Récemment, j’ai réalisé l’aménagement d’un atelier culinaire végan et j’ai travaillé sur un projet d’étude pour une chocolaterie.

 

Culture Agencement : La décoration d'intérieur a le vent en poupe entre les émissions tv et les grandes enseignes positionnées sur ce créneau : quel est votre regard sur le marché actuel en termes de distribution comme de produits ?

Patricia François : Cette démocratisation a ses avantages et ses inconvénients. Ce qui est positif c’est que depuis quelques années, on constate que les particuliers font maintenant appel à des décorateurs sans complexe. Avant, la décoration d’intérieur était le privilège d’une certaine clientèle dotée de moyens financiers et qui refaisait tout son logement. Aujourd’hui, on n’hésite pas à faire appel à un professionnel pour refaire seulement une pièce ou simplement pour être conseillé. Le revers de la médaille c’est qu’il ne faut pas confondre ce que l’on voit à la télé, par exemple, et la réalité ! A la télévision, on a l’impression que tout va vite, qu’un croquis, qu’un dessin en 3D et que des idées fusent dès la visite chez le client, que tout cela est gratuit et que les travaux durent deux semaines. C’est de la poudre aux yeux ! Pour les particuliers qui ne sont pas initiés, se fier à ce que l’on voit à la télévision ou sur Internet peut faire perdre ses repères. C’est aussi à nous, professionnels de l’aménagement, d’être pédagogues et de faire comprendre que bon marché et qualité ne riment pas toujours. Pour ma part,  mon but est de sensibiliser les gens à une démarche plus durable, quitte, parfois à faire moins mais mieux. Enfin, en ce qui concerne la distribution et en tant que décoratrice spécialisée, je constate qu’il y a une volonté de proposer des produits dits « écologiques » dans les grandes enseignes de bricolage. Malgré tout, méfions-nous de l’effet « marketing ». Je pense que si l’on veut vraiment un projet cohérent doté d’une approche écologique, il faut se tourner vers les spécialistes et éviter ces grandes surfaces qui avancent d’un pas et reculent de deux. En effet, d’un côté, elles vendent des peintures dites « écologiques », mais en matière de sols souples, par exemple, le PVC règne en maître, alors qu’il y a quelques années encore, elles proposaient un large choix de linoléum naturel… »

 

Propos recueillis par Vanessa Barbier

 

Son parcours :

Patricia François commence sa carrière dans le tourisme où elle travaille essentiellement en résidences hôtelières. Après 10 ans passés dans ce secteur, elle renoue avec son esprit créatif et se reconvertit dans la décoration florale. Quelques années plus tard, elle entame une seconde reconversion et marie son appétence pour la décoration à une approche écologique globale. Elle crée son entreprise de décoration d’intérieur écologique en 2009. 

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